La Croissance Facile, C’est Terminé
03-Mar-2016 | By: Jessica Gourdon
Le luxe entre dans une zone de turbulence. Monnaies fluctuantes, nouvelles attentes des consommateurs, ralentissement chinois…
Le secteur n’a jamais connu « autant de volatilité », reconnait Elsa Berry, fondatrice de Vendôme Global Partners et présidente de la French American Chamber of Commerce de New York. La croissance en 2015 a été estimée entre 1 et 2% par l’étude annuelle Bain/Altagamma, contre 3 % en 2014 et 7 % en 2013. « La croissance facile, c’est terminé », poursuit Elsa Berry.
Une contexte qui oblige les marques de luxe à se repenser. Mais comment ? Cette question sera au coeur du premier symposisum franco-américain sur le luxe, organisé par la French American Chamber of Commerce au Sofitel de New York jeudi 31 mars.
Parmi les intervenants, figurent le PDG de Van Cleef & Arpels America, le CEO de Tiffany, la Chief Marketing Officer de L’Oreal USA, la CEO de Baccarat, et divers représentants de ce secteur, côté France et Etats-Unis.
« Ce qui est frappant, avec l’arrivée des « millennials » sur ce marché, c’est que les attentes des consommateurs changent. Les clients du luxe veulent être dans un dialogue avec la marque, être écoutés. Ils veulent toujours plus de sur-mesure, de traitement privilégié, d’originalité. Aussi, beaucoup de consommateurs sont davantage à la recherche d’expériences du luxe que de possession », relève Elsa Berry. Les jeunes rechercheraient l’émotion, l’immatériel, l’effet « waou » du luxe plutôt que les signes de distinction sociale.
Une époque en rupture avec les décennies précédentes, « années des conglomérats, pendant lesquelles les marques se sont développées partout, ont ouvert des boutiques à tour de bras » , observe Elsa Berry. L’identité du luxe – rareté, exclusivité – en a souffert. « Les clients en ont assez de voir la même chose partout. »
Autre défi à relever : le numérique. Alors que 6% des ventes du secteur se réalisent en ligne, la moitié des décisions d’achat s’effectuent sur Internet. Un site simple ne suffit plus. Il faut raconter une histoire, être sur le mobile, les réseaux sociaux, intégrer les technologies dans les magasins…
« Les marques doivent trouver comment raconter une histoire digitale et offrir des services supplémentaires… Sans non plus abuser des technologies. Il faut rester soft, trouver la complémentarité avec le magasin, le seul vrai lieu où l’on puisse toucher, sentir, goûter », relève Elsa Berry.
Parmi les nouvelles frontières en cours d’exploration : l’utilisation de casques de réalité virtuelle, ou l’installation de miroirs interactifs dans les cabines d’essayage. Le PDG d’Oak Labs, start-up qui a développé cette technologie, sera d’ailleurs présent au symposium, et évoquera ses expériences avec Rebecca Minkoff et Ralph Lauren.
L’arrivée de nouveaux acteurs, ayant parfois débuté en ligne uniquement, bouscule également le paysage. Une conférence sera consacrée à ces nouvelles marques qui dépoussièrent le luxe, leurs forces, et leurs fragilités. Parmi elles, Rent the Runway (location de robes de luxe), The Row, ou Shinola, nouvelle marque sortie de terre à Detroit il y a quatre ans, qui fabrique des montres ou des articles de cuir.
Pour faire face à ces défis, les entreprises du luxe doivent aussi renouveler leur management, créer de nouveaux types de fonctions…
Enfin, les marques ne peuvent plus faire l’impasse sur leur responsabilité sociale. Elsa Berry est catégorique : « Les nouveaux consommateurs sont beaucoup plus exigeants dans ce domaine. Ils veulent connaitre l’origine des produits. Les marques doivent inclure dans leur stratégie ces notions de générosité, d’honnêteté et de transparence. » Notamment sur les prix, alors que les consommateurs voyagent toujours plus, et sont sensibles aux différences d’un pays à l’autre.